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La difficile science des appels d’offres – épisode 1

Je veux tout d'un coup !

Difficile de ne pas dire de nom, de ne pas cafter de qui et de quoi l’on parle, reste qu’encore une fois un appel d’offres inepte a été lancé, pas inepte sur son objet, mais bien dans sa forme.

Comme de plus en plus souvent la demande de la maîtrise d’ouvrage est très large, intégrant une phase d’étude de faisabilité, mais aussi une mission d’AMO pour le recrutement d’un maître d’œuvre puis de suivi des études de conception (ESQ, APS, APD) et des travaux jusqu’à la réception du chantier. Parfois même, à la mission d’étude préalable (faisabilité, programmation…) est demandé d’intégrer directement la maîtrise d’œuvre… mais je parlerai une autre fois de cette hérésie.

D’une part on peut se poser la question de la vertu de ce regroupement en un seul appel d’offres (même si des tranches fermes et conditionnelles sont intégrées) des études préalables et de la mission AMO. La phase d’étude a souvent comme objet de définir la nature du projet, son périmètre, l’expression des enjeux et retombées attendues par la maîtrise d’ouvrage… C’est souvent à cette étape que l’ingénierie culturelle et touristique apporte une réelle plus-value et, sans remettre en cause le projet, le reprofile de telle manière que le commanditaire le redécouvre et se l’approprie avec une ambition redéfinie, parfois plus large, parfois plus restreinte mais souvent bien différente de ce qu’il pensait initialement.

Dans le cadre d’un appel d’offres large et complet, avec une mission d’étude et une mission d’AMO, le groupement qui souhaiterait y répondre sera complexe, cumulera plusieurs prestataires aux compétences complémentaires… ce qui aura pour conséquence d’alourdir la méthodologie, le calendrier et… le budget. D’autre part, il sera demandé au groupement de composer une équipe conforme à un projet dont il saura à l’avance que les périmètres, qualités, enjeux et ambitions vont fortement évoluer… ce qui est paradoxal. On lui demande finalement de rédiger une offre contractuelle sans qu’il puisse connaître à l’avance les composantes techniques et économiques du projet… puisque c’est lui qui sera chargé de les définir s’il est retenu !

Reste que cette tendance de regrouper l’ensemble de toutes les étapes du montage opérationnel du projet est forte et se retrouve de plus en plus souvent. Dans la vision de la maîtrise d’ouvrage cela a l’avantage de la simplicité et de la sécurité pour la contractualisation et le financement du marché, puis d’être certain d’avoir le même partenaire à ses côtés durant toute la mise en œuvre du projet. Mais, est-ce synonyme de qualité et d’économie, c’est loin d’être certain.

L’autre difficulté c’est que les natures des 2 étapes de la mission, d’étude et d’AMO, sont très différentes et il faut que le cahier des charges soit réalisé par une personne ayant une longue expérience de ces consultations, de leurs arcanes et leurs pièges, pour bien exprimer la demande de la maîtrise d’ouvrage. Dans l’exemple dont je ne voulais pas parler au début de cet article, la maîtrise d’ouvrage demandait de budgéter un relevé topographique en refusant de donner le périmètre du projet puisqu’il restait à définir, elle imposait un architecte mandataire alors qu’il n’y aurait probablement pas de bâtiment à construire ou aménager, elle confondait maîtrise d’œuvre et AMO, elle évoquait une reconstitution virtuelle dans le cadre d’une signalétique, elle demandait ponctuellement une maîtrise d’œuvre alors que le titre de la mission était une « étude de valorisation », elle souhaitait permettre d’observer la structure interne du monument alors qu’elle précisait quelques lignes avant qu’elle était inaccessible, elle attendait que l’on exprime dès l’offre le coût de la maîtrise d’œuvre alors que le projet n’est pas encore défini… bref, ce monument mégalithique n’est pas prêt d’être valorisé. Oups, j’ai failli le dire ! Et je ne parle pas des incohérences entre CCTP, RC et autres pièces du marché grâce à du copier/coller mal maîtrisé.